La Maltraitance / Alice Miller

.... Mais justement, il ne faut pas oublier que les graves séquelles laissées par les blessures précoces invisibles résultent de la minimisation des souffrances de l'enfant et du déni de leur signification. Tout adulte peut facilement s'imaginer la frayeur et l'humiliation qu'il ressentirait s'il se trouvait soudain agressé par un géant furieux huit fois plus grand que lui. Mais quand il s'agit d'un petit enfant, nous considérons qu'il ne ressent pas la même chose, bien que nous soyons à même de constater à quel point il est éveillé, et la justesse de ses réponses aux sollicitations de son environnement (cf. Martin Dornes, "Der kompetente Säugling", Jesper Juul, "Das kompetente Kind"). Les parents pensent que les tapes ne font aucun mal, qu'elles sont juste un moyen de transmettre des valeurs bien précises aux enfants, et l'enfant reprend cela à son compte. Certains enfants apprennent même à en rire et à utiliser leur connaissance intime de l'humiliation et de l'avilissement pour railler leur douleur. Une fois adultes, ils s'accrochent à cette raillerie, ils sont fiers de leur cynisme, ils en font même de la littérature, comme nous pouvons le voir chez James Joyce, Frank McCourt, etc.… Si ils viennent à connaître angoisse ou dépression, ce que la répression des sentiments vrais refoulés rend inévitable, ils trouvent facilement des médecins pour les soulager un temps à l'aide de médicaments. C'est ainsi qu'ils peuvent tranquillement préserver leur auto-ironie, cette arme éprouvée et appréciée contre tous les sentiments qui remontent du passé. Par là même ils se conforment également aux exigences de la société, qui tient la protection des parents pour un précepte majeur. ....

                                                                                                                                    

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