Le pèlerinage à la fontaine de San Pedro / Francisco Goya

 

                                                                                                                                                                                                              Musée du Prado

 

 

Goya :  quatre-vingt-deux ans d’une existence qui se déroule durant toute la seconde moitié du XVIII ème siècle, éclairée par les Lumières, puis, durant le premier quart du XIX ème siècle, marqué par les guerres.

Un homme qui exprime très profondément un peuple et qui se consacre à la compréhension de l’homme dans tous ses aspects, des plus joyeux , des plus légers aux plus sombres.

Une œuvre immense de dessinateur, de peintre, de graveur qui prélude aux manifestations les plus révolutionnaires de l’art contemporain, de l’impressionnisme à l’expressionnisme et au surréalisme.

Pinturas negras : ces peintures murales dites « noires », Goya les réalisa dans une petite maison de campagne qu’il acquiert en février 1819, au bord du Manzanares. Il se retira dans cette maison que ses voisins appelaient la « maison du Sourd » ( quinta del Sordo) à une période charnière de ses dernières années de vie ;Là il peint pour lui-même : Goya était alors sourd, isolé, mais particulièrement mélancolique malgré le caractère très sombre de cette série de 14 peintures à l’huile sur le plâtre. Il s’agit pour lui, à l’âge de 73 ans, d’accomplir un dernier effort de sincérité en face de soi-même et du monde. C’est donc en homme libre et en artiste engagé qu’il recouvrit les murs de cette maison, équitablement du rez-de-chaussée au premier étage.

Toutes sortes de vision se développent dans son esprit et il s’en libère sur les murs, en dehors des règles et des conventions, avec une énergie extraordinaire. Ce qu’il donne à voir, ce sont toutes les formes les plus complexes de l’existence de l’homme, son désarroi et aussi ses espoirs. Ce sont des énigmes du destin, des interrogations sur la rage de destruction qui fait partie de la nature humaine, peut-être aussi l’évocation de contes de sorcellerie populaire.

Formaggio a su résumer l’importance de cette période dans la vie de Goya en disant : «  Cette maison du Sourd, c’est la Sixtine de Goya, le lieu de sa méditation la plus haute » et il serait possible d’ajouter «  son message le plus pathétique ».Ces peintures furent détachées et transposées sur toile en 1873.

Le Pèlerinage à la fontaine de San Isidro est plus tristesse que réjouissance : peut-être est-il une vision synthétique de l’ambivalence est des souffrances humaines.Venant des montagnes escarpées, la procession s’avance vers les sources miraculeuses. Ce sont des pèlerins accablés sous le poids de leurs peines, de leurs souffrances et de leurs croyances qui n’ont plus que l’espoir de la guérison et du bonheur. La nature globalement sombre  des personnages et de leur déambulation laisse supposer que cette quête du bonheur est sans doute un mirage, un leurre, une superstition. Peut-être s’agit-il de stigmatiser ici le thème du fanatisme et de la superstition.

Neuf ans se sont écoulé entre la vie à la quinta del Sordo et la disparition à Bordeaux en 1828. A aucun moment Goya n’a cessé d’explorer, avec passion et curiosité, les profondeurs les plus tortueuses, les plus belles et les plus secrètes du cœur humain. Sa dernière œuvre, La laitière de Bordeaux ( réalisée dans un style qui ne ressemble en rien aux pinturas negras ), est un adieu plein d’émotion à la lumière, à la femme, à la vie.

Goya donne à ressentir ce qu’il comprend lui-même à la fin de sa vie : l’infinie faiblesse de l’homme côtoie son caractère sublime.

                                                                                     Anne-Marie DUBOIS

 

   Sommaire Les Arts