Ophélie ( 1852 ) John Everett Millais ( 1829 - 1896 )

 

 

                                                                                                                                                                                           Tate Gallery, Londres. Huile sur toile

 

Finalement, qui est Ophélie ? Une fleur flottante ? Un nénuphar abandonné ? Ou une jeune fille songeuse, au destin malheureux, qui choisit de se noyer pour mettre fin à la souffrance d'un cœur  déchiré? Jeune fille en fleur qui a inspiré à Rimbaud un poème où elle est comparée à un grand lys.Le premier groupe de quatrains fait penser à la toile de Millais : dérive au fil de l'eau, contraste du noir et du blanc.

L'horizontalité est dominante dans le tableau, ce qui renforce l'impression du lent glissement sur l'eau, de ce temps mort qui passe ou ne passe plus. La nature quant à elle semble participer à l'atmosphère funèbre de l'œuvre et exprimer un adieu émouvant.

Millais, tout comme les autres peintres préraphaélites, parvient à créer une osmose entre la clarté de la nature et l'opacité des sentiments, l'éphémère mouvant et le statique éternel, le réalisme minutieux et le rêve. Ophélie, qui signifie aide, secours en grec, n'a pu en avoir. Est-ce cette fragilité diaphane qui fit d'elle la muse de tant d'autres artistes ( Redon, Delacroix, Préault, Hugues ...) ?

 

                                                                                                             Ophélie

Ophélie n’ose plus bouger, ni même respirer,

Elle implore, les mains ouvertes vers les cieux, qu’une pluie apaise ses craintes opaques

Ses peurs indéfinies, dans une forêt oubliée.

Emotion trouble.

Emotion double.

La vie. La mort.

Ophélie a choisi. L’entre-deux, les yeux ouverts à la nature. Fermé au monde.

Dans le chemin des songes, elle rêve un ailleurs perdu, où les amants seraient unis au creux de l’ombre.

L’amour se télescope dans l’éternel torrent de la passion.

Un ailleurs est-il nécessairement un passé ?

La musique du temps l’emporte sur la nostalgie du passé. Reste la mélancolie, de ne pas l’avoir vécue.

Ophélie rêve doucement.

Elle imagine aussi que la harpe des sentiments s’accordera avec ses rêves d’enfant.

Elle trouvera à la lueur des firmaments la clé de son cœur.

Elle s’introduira et arrachera les épines, coupera les folles herbes jusqu’à se tailler un nouveau cœur.

Ophélie rêve de se réveiller auprès de ce cœur frais, d’enlacer son désir et d’emprunter la barque bleue au bout du ruisseau.

Visiter ainsi, au fil de l’eau, la vie des autres, jusqu’à en choisir une et se réveiller pour toujours.

Ophélie apprend la vie.

Elle a mal, elle sourit, les blessures sont vite oubliées lorsqu’apparaît l’arc-en-ciel du possible.

Noir est le songe d’une nuit d’été indicible.

Ophélie rêve. Ophélie pense avec une attention flottante.

Ophélie ne pense plus.

Elle est une offrande à la nature et aux divinités célestes.

Elle sait. Elle n’a plus besoin de connaître.

                                                                                                             Nayla CHIDIAC

  

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